Expédition d’hiver sur le Lac Saint-Jean
Au cours de mon deuxième hiver au Québec dans le cadre de mon PVT au Canada, j’ai découvert l’existence d’une merveilleuse association; La Fondation Sur la Pointe des Pieds. Cette Fondation permet aux jeunes Canadiens atteints par le cancer de partir en expédition, encadré par des guides et un personnel médical adapté. Pour moi qui suis profondément convaincue que passer du temps en immersion dans la nature est thérapeutique, j’ai tout de suite été touchée par la cause de cette Fondation.
Alors, quand j’ai appris la possibilité d’aider concrètement la Fondation en participant au «Double Défi des Deux Mario», c’était pour moi une évidence !
Ouvert à tous, ce double défi a pour but de lever des fonds au profit de la Fondation. Mais ce n’est pas tout. Une fois avoir amassé des fonds, chaque participant a un deuxième défi à relever: traverser le Lac Saint-Jean gelé (au Québec), pendant 3 jours et 2 nuits. Cette expédition d’hiver est un moyen pour les participants de vivre l’expérience telle que la vivent les jeunes lorsqu’ils partent en expédition avec la Fondation. Pour ma part, je n’avais jusqu’alors jamais pris part à un challenge d’une telle envergure. Ce n’est que mon deuxième hiver au Québec, je n’ai jamais fait de camping par -20°C (ou moins!) et je suis peu sportive. En décidant de m’engager dans le «Double Défi des Deux Mario», c’était donc pour moi une grande aventure qui commençait !
Tout d’abord, il a fallut apprendre à m’équiper et rassembler tout le matériel dont j’allais avoir besoin pour une telle expérience. J’ai rassemblé toutes les informations nécessaires dans cet article, si vous aussi vous souhaitez vous équiper pour une expédition d’hiver !
Mais c’est qui les «Deux Mario» ?
Mario Bilodeau et Mario Cantin sont les deux personnages qui se cachent derrière ce beau défi. Mario Bilodeau est le cofondateur de la fondation Sur la Pointe des Pieds et a un solide bagage en formation de leadership en plein air et en intervention par l’aventure. Quant à Mario Cantin, lui aussi passionné de nature et d’expéditions, il s’implique avec la fondation depuis plus de six ans via le Double défi.
Journal de Bord
Jour 1 – Mardi 6 Février 2018 – Roberval
J’arrive pour 8h au village de pêche sur glace de Roberval. C’est ici que le rendez-vous est fixé pour le départ de notre expédition. Je ne connais encore aucun des participants et je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre. Bien que je me sois minutieusement préparée pour cette expédition, je ne peux m’enpêcher d’avoir certaines appréhensions en arrivant sur place. Je suis accueillie par les bénévoles qui vont nous accompagner tout au long de l’expédition. On note ma présence, je récupère le matériel que la Fondation me prête pour la traversée (un gros sac de couchage d’armée pour dormir à -30°C et une grosse doudoune bien chaude pour la soir au campement), remplis mes thermos d’eau bouillante, installe tout mon matériel dans mon traineau…puis c’est déjà le moment de partir.
Sur la ligne de départ, Mario Cantin nous rappelle une de ses phrases fétiches: «Aujourd’hui, c’est le premier jour du reste de votre vie». Le coup d‘envoi est donné, et c’est parti pour l’aventure ! Au total, nous sommes une quarantaine de participants, une vingtaine de bénévoles et les deux Mario. Tous ensemble, nous allons traverser le lac gelé pendant 3 jours et 2 nuits. Si le départ s’est fait sous un grand soleil, le temps s’est vite couvert. La neige tombe en continu. J’ai du mal à réaliser que je suis sur en train de traverser un lac gelé. Impossible de voir à plus de 100 mètres. Devant nous, le groupe s’engouffre dans la brume et disparait. Une légère impression d’être au beau milieu du néant.
Vers 13h, nous nous arrêtons au premier stop pour la journée. C’est la pause pour manger, s’assoir un peu et aller faire pipi si besoin. Pour les repas du midi, on nous a distribué avant de partir nos «vivres de course» pour les 3 jours d’expédition. C’est à nous de les répartir comme nous le voulons au fil de la traversée. Au menu: du fromage, du saucisson, des boules d’énergie, du chocolat, du beef jerky, des mélanges de noix…Plein de bonnes choses à grignoter, et à garder dans une poche près du corps pour être sûr que ce ne soit pas gelé quand on a un petit creux !
Arrivés au campement, on nous donne les instructions pour la soirée, et le répartissement des participants dans les tentes, et de nos «anges-gardiens», 2 bénévoles qui dorment avec nous et seront là pour nous accompagner et nous aider si besoin pendant la nuit. Comme beaucoup dans ma tente, je n’ai pas vraiment d’expérience en expédition hivernale. La première soirée, je passe un temps fou à assimiler la gestion du matériel et des techniques de camping d’hiver.
L’organisation quant à comment s’installer, comment s’habiller pour dormir, quelles affaires faut-il faire sécher dans le sac de couchage avec soi pendant la nuit, et quoi faire dans quel ordre… Tant de geste à réfléchir, pour des choses qui, dans notre vie de tous les jours, sont si simples. Cela permet de relativiser énormément, et quelque part, nous recentrer sur l’essentiel de la vie. On savoure beaucoup plus chaque petite réussite. Comme par exemple lorsque je dois aller faire un simple pipi ; il faut que je retire dans le froid toutes mes couches et ma salopette, puis que je remette le tout à nouveau.
La vie sur le campement
Le campement est déjà monté lorsque nous y arrivons le soir. Nous dormons dans des grandes tentes rondes, comme celles au camp de base de l’Everest. Chacune d’entre elle peut accueillir une dizaine de personne, avec un fanal et un petite chauffrette d’appoint que l’on allume seulement le soir et le matin, histoire de ne pas se changer dans le froid total.
La cuisine est située au centre du campement. Les cuisiniers s’affairent pour nous préparer de bons petits plats le soir (une soupe et un repas chaud) comme le matin (servi avec un bon café).
Dans un coin un peu à l’écart, deux petites tentes noires se dressent. Ce sont les toilettes, séparées hommes et femmes. A l’intérieur de chacune, deux seaux : un pour chaque type de besoin. Après chaque pipi, on va vider son seau derrière la tente dans un trou creusé dans la glace. En ce qui concerne les déchets solides (ainsi que le papier toilette), tout est ramené dans des sacs poubelles pour ne pas polluer le lac.
Jour 2 – Mercredi 7 Février 2018 – Au beau milieu du Lac Saint-Jean
7h00 du matin
Cette nuit, les températures sont descendues aux alentours des -30°C. Nos sacs de couchages sont gelés sur le dessus. Marie-Michèle, l’«ange-gardien» de notre tente, nous réveille joyeusement d’un «Bon matin !». Nous commençons alors tranquillement à nous lever. Je me tortille dans mon sac de couchage pour me changer à l’intérieur et éviter d’avoir trop froid. J’ai l’impression de me battre tant je suis à l’étroit, mais le combat en vaut la peine ! Lorsque je sors enfin des couches du sac de couchage, je saute dans ma salopette et mes grosses bottes pour être vite au chaud.
Une bienveillance collective règne au sein de notre groupe. Dans notre tente, l’entraide se fait tout naturellement. On se passe de la poudre de bébé (pour les pieds), de la crème pour le visage, on s’apporte les bols de gruau, on va remplir le thermos d’eau chaude des uns et des autres… Et ces petits gestes, si simple, remplissent mon coeur de joie.
10h00
Et c’est reparti pour une journée de marche sur le Lac !
5h00 du soir
Fin de journée éprouvante. Nous finissons de marcher dans la noirceur, en sachant qu’une deuxième nuit dans le froid nous attends. Je peine à avancer, les «hots shots» (chauffe-pieds) dans mes bottes ont durcies et me font mal à chaque pas, mon dos me fait mal à force de tirer mon traineau…C’est un véritable soulagement lorsqu’enfin je distingue au loin les tentes du campement. Sur les derniers kilomètres, des bénévoles viennent nous voir en motoneige pour s’assurer que nous allons bien et nous aider si besoin. Quelques uns d’entre nous délaissent leur traineau, d’autres embarquent sur les motoneige, à bout de force. Je refuse de me faire aider (oui, à ce moment là, c’est mon orgueil qui parle), je veux arriver au campement par moi-même, et je me dis que d’autres participants ont probablement plus besoin d’aide que moi.
8h00 du soir
Après que chacun ait pu s’installer dans sa tente, se changer et profiter d’un bon repas, nous nous retrouvons tous ensemble dans une tente pour un moment de partage.
Cette année, nous avons la chance de marcher sur le lac en compagnie de 4 jeunes femmes, Joëlle, Elyse, Valérie et Justine, qui ont eut le cancer (ou sont encore en traitement) et ont précédemment participé à une expédition avec la Fondation. Leur présence ici à elle seule témoigne bien de l’impact qu’a eut l’expédition que chacune d’entre elle a vécu grâce à la Fondation. Et aujourd’hui, elles ont à leur tour décidé de faire le Double Défi, pour pouvoir participer au financement des expéditions pour d’autres jeunes atteints par le cancer.
Je ne vous cache pas qu’une forte émotion m’a transporté lors de leurs partages, et que des larmes de joie, sont apparues au coin de mes yeux. Ces quatre jeunes femmes ont un sacré caractère, elles sont si inspirantes, pleines de vie, de projets. N’attendons pas qu’il nous arrive quelque chose de grave pour nous lancer dans la réalisation de nos rêves personnels. Voilà ce a quoi nous encourage Mario Cantin lorsqu’il lève son verre de Sacrilège (un whisky canadien au sirop d’érable !). Alors, tous ensemble, nous trinquons à la réalisation d’un de nos rêve personnel pour cette année. Et je peux vous dire, que ça m’inspire terriblement.
Jour 3 – Jeudi 8 Février 2018 – À 12 km de la Pointe Taillon
7h00
Deuxième réveil sur le Lac Saint-Jean. J’’ai encore mieux dormi cette nuit, et j’ai eut tellement chaud que j’ai du retirer des couches pendant la nuit !
Le camp se réveille et chacun se prépare. J’ai l’impression que je commence déjà à être mieux organisée et que je me prépare bien plus rapidement.
Une fois fin prêts au départ, c’est l’appel pour l’échauffement ! Tous en cercle, un bénévole nous motive et on saute, on danse, on gesticule dans tous les sens. Tout le monde se prête au jeu, bon enfant.
Aujourd’hui une journée de 12 km nous attends. De par leur expérience, Mario Cantin comme Mario Bilodeau le savent, ce Double Défi aura un impact sur nos vies.
Et au moment ou nous franchiront la ligne d’arrivée cet après-midi, ce sera le début de notre vie «d’après». Celle qui débute après le Double Défi des Deux Mario. Et cette vie, c’est à nous qu’il revient de la transformer. Quels sont nos talents ? A quoi voulons nous les consacrer ? Qu’avons nous envie de créer, de faire naitre ? Quel beau projet avons nous envie de faire voir le jour ?
9h30
Ce matin, je pars dans la fin du peloton. J’ai envie de prendre mon temps pour ces dernières heures sur le Lac. Si nous avons jusque là eut un temps plutôt couvert, un grand soleil nous sourit toute la matinée. Les rayons brillent dans le ciel. La neige scintille. Le lac ressemble à un désert de sel. Nous avons progressé dans la neige
les deux derniers jours, que nous en oublions de mettre de la crème solaire.
13h00
On distingue au loin la Pointe Taillon avec la grande banderole d’arrivée. C’est là-bas que va s’achever cette traversée. Sur les derniers kilomètres qui nous séparent de la banderole, Mario Cantin nous encourage à nous sentir fiers de nous, de notre traversée, de l’accomplissement de ce défi. Sur le coup, j’ai du mal a réaliser et à éprouver de la fierté. Ce qui me vient surtout, c’est un sentiment de reconnaissance. Cette expérience que je viens de vivre était si intense en émotion, en dépassements personnels. J’ai ris aux éclats, j’ai pleuré de joie, je me suis émerveillé face aux superbes paysages du lac gelé, j’ai rencontré des gens si inspirants. Et tout ça, en 3 jours à peine.
Je ne peux pas dire que tout était rose non plus, il y a eut des moments difficiles (surtout le deuxième jour), et j’en ai bavé. Mais j’ai persévéré. Et ce sont aussi ces moments là qui ajoutent quelque chose à notre existence. Avec le temps, notre esprit gommera la souffrance ressentie pendant, pour ne garder que de ce qui en est ressorti : un moment de surpassement de soi.
Ce qui, je pense, à ajouté aussi à l’expérience, c’est que pendant ces trois jours, j’ai décidé de complétement couper mon téléphone. Je n’ai eut aucune communication (ni text, ni appel, ni aucun réseau social) avec le reste du monde. Cela m’a réellement permis de me recentrer sur cette expérience, d’être en totale immersion sur le lac, dans un esprit d’expédition. Et je me rend compte maintenant que cela faisait bien longtemps que je ne l’avais pas fait, de me couper complètement de mon téléphone et ordinateur pendant plusieurs jours. Et ça fait un grand bien.
Lorsque nous dépassons la ligne d’arrivée, l’acclamation générale, les pleurs, les cris de joie. C’est un moment assez euphorique, comme un lâcher prise. On tombe dans les bras les uns des autres. J’ai du mal à réaliser ce que je viens de faire, ce que tous ensemble nous venons d’accomplir.